Le dernier emploi
La propagation de l’Intelligence artificielle sidère par sa rapidité soudaine. Il a fallu plus de dix ans à Internet pour s’installer dans la pratique quotidienne des foyers. Quelques mois auront suffi à ChatGPT. La balance des avantages et des risques n’a pas pu être évaluée. Mais d’ores et déjà il apparaît que bien des professions sont menacées : l’essentiel, à vrai dire, des professions tertiaires, qui constituent le contingent principal des économies développées.
Il ne faut pas extrapoler beaucoup pour identifier les trois types de professions à pouvoir espérer se perpétuer encore un peu :
1. Les professions manuelles. Longtemps encore on risque d’avoir besoin de femmes de chambres, d’éboueurs, de coiffeurs, de cuisiniers. La substitution d’un robot ne serait pas ici impraticable, mais elle aurait peu de chance d’être rentable à court-terme, en raison de la maintenance ou des métaux à recueillir.
2. Les professions qui reposent sur l’affectation – et donc la possession – d’un capital. Qui dispose d’une puissance de frappe financière, d’usines, de terres ou d’un emplacement bien situé pour accueillir un magasin ou un hôtel, conservera encore longtemps une importance économique.
3. Les métiers qui s’adossent à des compétences relationnelles particulières. Même si l’IA se montrera vite plus douée qu’un médecin pour établir un diagnostic, le médecin pourrait rester irremplaçable pour présenter au malade sa maladie… et le convaincre de respecter son traitement. Les avocats resteront nécessaires pour comprendre une problématique complexe, avec des implicites et des enjeux humains à demi avoués, ou avouables. On aura toujours besoin de politiciens pour prendre des décisions collectives ou incarner une idéologie.
En matière d’éducation, l’IA remplacera facilement les professeurs pour ce qui est des formations académiques et techniques. Elle pourra aisément personnaliser ses apports et les entraînements proposés en fonction des spécificités d’apprentissage de l’apprenant, qu’elle apprendra à maîtriser dans l’interaction rapprochée. Si l’enseignant ou le formateur peuvent espérer, encore un certain temps, justifier leur raison d’être, ce ne peut être que dans ce qu’il faut appeler l’effet-miroir. “Tu as besoin de moi parce que je te ressemble, y compris dans tes insuffisances et ton irrationnel. Je peux comprendre tes limites et tes besoins, même inconscients, parce que je les partage”. Dans les années à venir, l’explosion des coaches en tous genres risque de se poursuivre : du coach sportif au coach de vie en passant par le coach en orientation, scolaire ou professionnelle. Ce coache se positionnera comme interface homme-machine entre un humain déboussolé et une IA, pas toujours consciente des subtilités de ses besoins, parfois décorrélés de ses désirs formulés.
A l’Institut François Bocquet, le champ des formations est circonscrit aux compétences comportementales : interpersonnelles, intrapersonnelles, managériales. L’approche pédagogique fait converger plusieurs métiers : l’évaluation, l’accompagnement individuel, l’animation de groupes de codéveloppement, les ateliers de certifications fondés sur la mise en situation contextualisée. Ces métiers ne s’additionnent pas : ils se multiplient, s’articulent et se conjuguent pour envelopper le demandeur d’un environnement et le faire évoluer selon les lois qui lui sont propres.
C’est de cette façon que nous espérons continuer à vous servir, même quand l’IA et ses multiples avatars se seront installés durablement.